A France (14 juillet 2022)

En ce 14 juillet qui comme le 4 pour les USA semble peu propice à la célébration, je rends hommage aux Français, du continent, des Dom-Tom et d’ailleurs. Je salue ceux qui n’ont pas craqué, ceux qui ont craqué, les debouts, les assis, les couchés.

Je dis bonjour au cœur qui bat derrière la morgue de façade, aux yeux qui ne demandent qu’à s’émerveiller à nouveau, aux corps las et sclérosés qui cherchent encore à éclore. A toute la lie qu’on fustige ou qu’on occulte.

Je salue ceux qui, malgré deux ans et demi de pandémie, et 40 ans de néolibéralisme, n’ont pas tourné le dos à leurs frères et sœurs, n’ont pas abandonné leurs valeurs face à un pouvoir toujours plus destructeur et idiot.

Je parle aux Vauges, à la Sarthe, à Bordeaux, Montpellier et Villedieu-les-Poëlles. Je parle à Lyon, au Finistère, au Conquet, à Arles. A Paris, un peu, pour la forme. A Marseille, à l’Alsace et la Lorraine.

Je parle à toi, voisin ou voisine française. Dieu qu’on en peut plus de toi, et pourtant Dieu sait qu’on t’aime. Frère ennemi, conjointe distante, cousin de l’autre bord. On partage tellement plus qu’on ne pense et on se tire quand-même la bourre.

Je pense à mes amis, professeurs, étudiants, médecins. Des professions précaires chez eux alors qu’ici elles sont nanties. Je pense à mon arrière-grand-mère qui vient de là, de l’autre bord de la frontière. La Marie qui maria le Joseph, dans cette zone limitrophe de l’Ajoie.

Je pense à mon père, fils de Suisse-Allemand, qui pour résister, écoutait en cachette la radio parisienne, et qui à 20 ans s’installa des années dans la ville lumière, épousant la fille d’un acteur de la Nouvelle Vague. Avant de revenir au pays et connaître ma mère.

Je pense à ce môme, tout ébaubit devant l’Allosaure du Musée des Sciences Naturelles de Paris. A ce même môme trempant ses bottes aux abords de l’Île du Guesclin, sur les traces de Ferré. Je pense à la Camargue, pays brulé qui pourtant accueille des flamands roses.

Je ressens le sel de l’Atlantique sur les plages du Sud-Ouest, les méduses mortes par milliers sur les rivages d’Ouessant. Je revois ces jolies filles, ces beaux garçons, les piliers de bar, les femmes actives. Et les livres, les tableaux, du Louvre au Musée Fabre.

Sans toi, France, nos Suisses trop timorés n’auraient jamais célébré leurs propres héros, ceux que vous avez formés. Le Corbusier, Cendrars, Chevrolet, Bouvier. Nul n’est prophète en son pays, chacun peut être prêcheur dans l’Hexagone.

Enfin, je dis merci. Aux habitants et habitantes de France, à ceux qui gueulent et ceux qui se taisent. N’oubliez pas la vraie force de votre pays, celle qu’on ne compte pas avec des chiffres, celle qu’on ne voit pas à la télévision devant le cassoulet de midi.

Douce France, cher pays de mon enfance. Il est temps de grandir, pour nous deux, et nous battre pour qu’on puisse, un beau jour, chanter à nouveau, des deux côtés de la frontière.

  • Guillaume Babey

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