Rogue One: a Star Wars story

Hier j’ai vu Rogue One: A Star Wars story, réalisé par Gareth Edwards et produit par Disney.
Au risque de décevoir, je ne serai pas aussi dithyrambique que la plupart des critiques, mais cette nouvelle virée dans la guerre des étoiles n’a rien d’un ratage. La principale faiblesse du premier spin-off de la franchise réside dans le traitement de ses personnages. S’ils sont tous assez attachants, ils ont rarement la liberté de s’exprimer au-delà de leur fonction et même l’héroïne n’échappe pas à un syndrome de revirement idéologique un peu facile.
Certains moments émotionnels paraissent un peu forcés, notamment en comparaison avec le reste du film dont le ton beaucoup plus sombre qu’un Star Wars habituel avait de quoi surprendre agréablement. Le personnage du père de Jyn Erso, interprété par Mads Mikkelsen, a été clairement créé pour mourir tragiquement, et donner motivation à l’héroïne. Un bon exemple de ce que les anglophones appellent « fridgeing ». Mais au-delà de ces défauts, le film est superbement réalisé par Gareth Edwards, qui prouve sa maîtrise dans les moments claustrophobiques, autant que les scènes dantesques. Si le film, d’un point de vue de la photographie, ne ressemble presque à aucun autre Star Wars, le réalisateur puise pourtant son inspiration dans les propres influences de George Lucas, à savoir les films de Kurosawa (plusieurs plans semblent directement inspirés des films du réalisateur nippon) et les films de guerre.
Le dernier acte du film a de forts relents de « Soldat Ryan » et évoque autant le débarquement de Normandie que les conflits au Pacifique. Le design de plusieurs personnages, créatures et autres extra-terrestres reprend l’esthétique Star Wars mais y insuffle aussi beaucoup de la S-F des années 50 qui a inspiré la franchise. Dans l’ensemble, tout colle esthétiquement et on peut tout-à-fait croire que le film se passe dans la temporalité du premier Star Wars tout en nous offrant du neuf. Edwards sait aussi faire ressortir l’impact émotionnel et même tellurique des pertes humaines (nombreuses) et de la nervosité des combats.
On sent fort bien l’urgence de cette mission suicide, et la terreur qu’inspire l’Empire. Parlant de l’empire, leur iconisation est quasi-parfaite, non seulement par le respect des costumes et de l’esthétique originale, mais aussi par les méchants, même si Krennic, le directeur des opérations de l’Etoile de la Mort, pâlit en comparaison d’un commandant Tarkin (avec un Peter Cushing ressuscité numériquement) et bien sûr de Darth Vader, dont les apparitions cruellement brèves (mais c’est pour le mieux selon moi), font mouche à chaque fois. Cependant, cette frustration de Krennic rend le personnage intéressant. On perd en intimidation et on gagne en curiosité. Le film est certes sombre dans sa globalité, mais il se permet des dialogues d’un humour cinglant, faisant toujours mouche, la plupart du temps par l’intermédiaire du droide cynique K-2.
Même si nos protagonistes sont introduits trop subitement pour être pleinement attachants, leurs personnalités sont toutes bien définies et chacun a au minimum une scène iconique. Ils représentent aussi tous plusieurs castes et mouvements de pensée différents, montrant à quel point la galaxie est diverse (une impression renforcée par l’ethnicité multiple du casting). Certains se demandaient si le film assumerait sa portée politique, question cruciale à l’avènement de Trump et du basculement de l’Amérique dans le côté obscure. Le film reste plutôt vague sur ces questions, même si plusieurs lignes de dialogues font ressortir un constat dur mais juste; à savoir que la résistance face au totalitarisme est terriblement divisée.
Nos héros devront non seulement faire face aux forces de l’Ennemi, mais aussi à la couardise de leurs supérieurs. Leur nom d’équipe, « Rogue One », symbolise parfaitement cela. Ils sont des renégats. Des têtes brulées qui décident de désobéir, pour le bien de la cause la plus juste, unis par ce concept qui sera l’enjeu de tout le film; l’Espoir. Au-delà de la référence évidente au « Nouvel Espoir », le premier Star Wars, c’est aussi le message principal du film. Et pour transmettre cet espoir, sous la forme d’une disquette contenant les plans de l’infernale Etoile, nos héros y perdront la vie. Une autre grande qualité du film.
Aucun de nos protagonistes n’en réchappe, après avoir rempli leur mission. Cette décision ancre le film dans son genre, le film de guerre, rappelle les films de sabre où souvent tout le monde meurt, et réaffirme son parti pris, loin de la sécurité de la série principale « tout publique ». C’est ce qui, à mon sens, donne au film son mérite, et qui pardonne selon moi ses tentatives bancales de sentimentalisme. La guerre ne pardonne pas. Les héros ne vivront pas pour voir leurs exploits récompensés. Mais leur sacrifice permettra à l’Alliance de remporter une victoire décisive.
Pour terminer cette critique déjà plutôt longue, j’ajouterai que le « fan-service » tant redouté pour ce film, se limite au strict minimum, et si Tarkin et Vader sont l’argument nostalgique principal, ils n’interviennent jamais de manière artificielle dans le récit. Au contraire, leurs interventions sont savamment équilibrées et me paraissent justifiées. Disney a déjà prévu pléthore d’autres spin-offs, et si j’espère qu’ils garderont la même intégrité et originalité de ton que Rogue One, je confesse être plutôt emballé pour la suite. Merci, chers rebelles, d’avoir ouvert la voie !