Antispécisme: arnaque morale

L’antispécisme est de façon générale basé sur un argument fallacieux en forme d’homme de paille, l’existence d’un prétendu « spécisme », à savoir une discrimination par l’homme des autres espèces animales illustrée notamment par l’exploitation agro-alimentaire.

Or, le concept même de discrimination au niveau systémique ne peut être applicable qu’envers d’autres êtres humains, seuls à être capables de réaliser soit qu’ils sont exploités soit qu’ils sont les exploiteurs.

S’il est exact que nous altérons de façon conséquente l’équilibre écologique de nos écosystèmes, par la destruction d’habitats naturels au profit d’une exploitation exponentielle d’espèces animales à un rythme impossible, la domestication industrielle ne peut en aucun cas être mise sur le même plan moral que la colonisation, la Shoah ou les massacres homophobes en Tchétchénie.

Et si le fait de consommer d’autres formes de vie comme moyen de subsistance est un « spécisme », alors pratiquement toutes les formes de vie pratiquent cette discrimination !
Il est parfaitement absurde de prêter au cycle trophique une intention morale tout comme il est parfaitement stupide de vouloir tuer tous les prédateurs ou de bétonner le monde sous prétexte que tuer pour vivre serait cruel à nos yeux d’humains en pleine projection affective ! L’antispécisme est un déni du fonctionnement normal de la vie sur Terre !

De plus ce mouvement est souvent hypocrite et criblé de contre-vérités. Les activistes répondant de cette idéologie se concentrent principalement sur l’exploitation animale vertébrée. Mais que dire alors des insectes dont nous menaçons l’existence par nos pesticides et déboisements ?

On entend rarement les antispécistes à ce sujet, hormis peut-être sur la question de l’apiculture, sans doute parce qu’elle est l’exploitation la plus commune d’invertébrés dans les pays développés. Or, les insectes et autres arthropodes constituent plus des deux tiers des espèces vivantes sur notre planète et toutes les études récentes démontrent leur importance cruciale au sein des écosystèmes.

Pourquoi donc ne pas concentrer nos efforts dans la protection des invertébrés plutôt que de caillasser des boucheries familiales sous prétexte que les cochons, vaches et autres moutons ont un système nerveux et un instinct maternel ?

Et surtout, quid de l’exploitation végétale ? Les antispécistes étant le plus souvent membres de l’idéologie végane, leur combat se concentre sur les animaux mais l’agriculture intensive est tout aussi responsable des dérèglements écologiques que nous subissons actuellement. Les monocultures appauvrissent la diversité des espèces, les pesticides empoisonnent les sols, affaiblissent les défenses immunitaires des plantes et déciment les populations invertébrées comme mentionné plus tôt, et donc contribuent à une paupérisation de notre propre alimentation.

La plupart de ces monocultures exploitent des travailleurs sous-payés dans des pays en voie de développement, perpétuant une forme insidieuse de colonialisme. Il me semble que le sort de ces êtres humains reste plus important que le désir égoïste de quelques hipsters d’avoir un substitut au lait animal par tous les moyens et pour des prix défiant toute concurrence. La question des laits végétaux est d’autant plus épineuse que plusieurs de ces produits sont la propriété de grands groupes agro-alimentaires qui non contents de réduire plusieurs peuplades à un semi-esclavagisme s’accaparent les ressources en eau potable.

Le lait de vache vendu par un paysan local qui prend soin de ses bêtes a un impact écologique considérablement moindre que le grand propriétaire de champs de soja ou l’exportateur de jus de riz et de lait de coco. Notons d’ailleurs que la culture du soja est souvent à l’usage de nourrir les troupeaux, l’exploitation du substitut miracle trouvant donc sa source dans l’industrie que combattent les antispécistes !

Si les antispécistes et les Véganes sont à ce point malhonnêtes sur le plan intellectuel malgré des motivations louables, c’est que la manipulation émotionnelle est hélas un biais très efficace dans la quête de sensibilisation des masses. Le déséquilibre trophique pour le quidam reste une notion trop abstraite pour qu’il cesse de bouffer 10 kilos de barbaque à chaque barbecue estival.

Tandis que lui dire, comme le fit l’acteur Joaquin Phoenix dans un discours opportuniste lors d’une remise de prix, que la vache ressent de la peine quand on lui arrache son petit veau pour le tuer et le manger, ça peut faire son petit effet, lâcher une larme et même dans certains cas induire une sorte de rejet pavlovien à la vue de toute chair animale.

Ce discours ne pouvait voir le jour que dans la culture occidentale, avec une forte influence des principes moralistes anglo-saxons. Si les régimes végétariens voire végétaliens se retrouvent dans d’autres cultures, notamment en Inde, ils ont rarement atteint le degré de hargne et d’idiotie dont font actuellement preuve les antispécistes de tout poil. Aucune civilisation n’a prospéré en niant les habitudes omnivores de notre espèce. Aucune peuplade nomade ou indigène, qui pourtant dans l’idée galvaudée du « bon sauvage » devrait avoir la sympathie des partisans de la décroissance, n’a été pleinement végane.

Ne consommer aucun produit d’origine animale ne fait pas non plus de vous une meilleure personne par voie de conséquence. Pour autant de végétariens et véganes vertueux, il y a autant de contre-exemples, à commencer par Hitler, grand défenseur de la cause animale. Il est d’ailleurs intéressant de constater que de nombreuses sectes apocalyptiques, fondées par des leaders autant charismatiques que psychopathes, ont souvent prêché le véganisme.

De là à voir une corrélation entre véganisme et pulsion autodestructrice, il y a un pas que je ne franchirai pas, par prudence et modération. Il est certain en tous cas que l’argument moral avancé par les défenseurs de telles privations est propice à flatter la vertu et donc d’endoctriner de nouveaux disciples.

La satisfaction morale ne nourrit pas son homme et la plupart des personnes suivant un régime végane drastique doivent pallier à des carences par le truchement d’aliments de synthèse ! Un énième déni de nature qui non content de montrer les difficultés de s’astreindre à un tel régime permet à des laboratoires tenus par de grands groupes pharmaceutiques de se dorer la pilule sur le dos de ceux dont l’idéologie les persuade de rendre le monde meilleur. L’activité de ces dits laboratoires n’est pas non plus un exemple de bonne tenue écologique.

La moralité étant toujours illogique, posons aux antispécistes le problème suivant. La majorité des espèces animales exploitées à échelle industrielle ne sont pas à proprement parler « naturelles ». Elles ne sont pas le fruit d’une sélection darwinienne mais de croisements supervisés par l’homme. Ces espèces n’ont pas été arrachées à leur écosystème, elles nous ont accompagné depuis des siècles, voire des milliers d’années, et nous les avons progressivement incorporées à notre propre écosystème manufacturé. Ces vaches, cochons, chèvres et autres gallinacés sont l’extension de notre volonté, pour ne pas dire de nous-mêmes. Certaines sont à ce point dépendantes de notre supervision qu’elles n’existent plus à l’état sauvage, comme c’est le cas du vers à soie.

Si nous devions cesser du jour au lendemain toute exploitation animale, que va-t-il advenir de ces populations animales « dégénérées » qui n’ont pas leur place dans la vie sauvage ? les mettre en liberté causerait une catastrophe écologique d’envergure. L’importation d’espèces sur les îles du Pacifique est un bon exemple des ravages que ces animaux pourraient causer. Non content de perturber la faune sauvage, ce serait signer l’arrêt de mort de la majorité de ces bêtes domestiques, trop vulnérables pour tenir longtemps sans notre protection. Ne serait-ce pas là une forme de cruauté ?

Les garder dans leurs enclos en continuant de s’occuper d’elles sans les tuer serait contre-productif puisque les émissions de CO2 produites autant par les animaux eux-mêmes que par les structures qui les font vivre (y compris les champs de monocultures pleines de pesticides) ne diminueraient pas. D’autant que cette option pose la question du droit à la reproduction. Si l’on voulait diminuer l’impact écologique de ces êtres vivants, il faudrait instaurer une stérilisation de masse. Ne serait-ce pas une atteinte au droit de vie de ces animaux ?

Cela nous amène logiquement à la troisième option : tuer absolument tous les animaux destinés à la consommation. Un geste qui pour certains antispécistes et autres activistes pourrait être cruel et donc contraire à leur combat. Et quand bien même ces champions de l’empathie accepteraient ce sacrifice comme étant nécessaire, comment disposer au mieux des milliards de carcasses résultant de cette hécatombe sinon les manger ou les donner en pâture aux prédateurs sauvages ?

En conclusion, l’antispécisme en tant que thèse ne tient sur aucune base intellectuellement solide, confond l’éthique et la morale, et comme presque tous les mouvements extrêmes se trompe de cible.

Le problème principal de l’exploitation du vivant est une question de proportions et de pragmatisme. Nous produisons et consommons trop, d’absolument tout, que ce soit des végétaux, des animaux ou des mycètes. Cette surconsommation induit une chaîne de conséquences favorisant un cercle vicieux où nous épuisons nos ressources tout en empoisonnant notre écosystème. En d’autres termes, le problème n’est pas de tuer des animaux mais de causer la disparition de l’espèce humaine en laissant notre planète exsangue.

Lorsque notre terre ne sera plus qu’un amas de braises, de sable et d’orages perpétuels, que le dernier criquet aura cessé de chanter, que le dernier coq se sera tu et que la dernière vache aura perdu son dernier veau mort de faim, la question de savoir s’il est bien moral de tuer pour survivre ne pourra plus se poser. La réponse s’imposera à nous, comme toute autre nécessité. Une réponse qui impliquera de dévorer son prochain comme le dernier Saturne venu. Et ce n’est pas Joaquin Phoenix prostré dans sa tour d’ivoire qui pourra me contredire.

  • Guillaume Babey